Covid : « Météo coronavirus », seuils chiffrés… Sur fond de 8e vague, comment améliorer l’adhésion au port du masque ?

Alors que la huitième vague épidémique déferle sur la France, le port du masque dans les lieux publics clos est simplement recommandé, et largement boudé.

Alors que la huitième vague épidémique prend de l’ampleur, le grand public continue de largement bouder le masque, dont le port est à ce jour simplement recommandé

Elle a pris ses quartiers début septembre, et elle prend ses aises. La huitième vague épidémique de Covid-19 prend de l’ampleur, avec plus de contaminations, et plus d’hospitalisations. Ce jeudi, 65.537 nouveaux cas ont été recensés, contre 51.366 une semaine auparavant. Et le nombre total de patients hospitalisés, à plus de 16.000, a retrouvé son niveau de la mi-août.

Mais si les chiffres s’emballent, le respect des gestes barrières, lui, est au ras des pâquerettes. Le port du masque est fortement recommandé dans les transports, mais il est largement boudé. Pourquoi ? Est-ce simplement par lassitude ? Ou est-ce le résultat d’un manque de pédagogie des autorités sanitaires ? Avant d’en arriver à une obligation, peut-on améliorer l’observance de cette recommandation pour ralentir la propagation du virus ? Et comment ?

Une recommandation largement ignorée

C’est une réalité chiffrée, « depuis que le port du masque n’est plus obligatoire dans les lieux publics fermés », la proportion de Français portant le masque en public a chuté en septembre au plus bas niveau depuis le début de la crise sanitaire. C’est ce que montre la nouvelle édition de l’enquête CoviPrev de Santé publique France sur l’évolution des comportements pendant l’épidémie, publiée en fin de semaine.

Une majorité de Français dit ainsi ne plus le porter ou le porter moins souvent, notamment dans les lieux publics fermés (76 %, contre 58 % en mai), au travail (70 %, contre 57 %) et dans les transports en commun (61 %, contre 23 %).

Un abandon aussi observé en présence de personnes âgées ou vulnérables (58 %, contre 44 %), selon l’enquête, effectuée du 12 au 19 septembre auprès d’un échantillon représentatif de 2.000 adultes. Toujours selon l’enquête, certains Français seraient prêts à respecter ces gestes barrières cet hiver, si l’épidémie s’emballait encore d’un cran. Mais « par oubli », « lassitude » ou sentiment de contrainte excessive, ils pourraient aussi ne pas le faire.

Pourquoi cet « oubli » généralisé ? « Pour la plupart des gens, le coronavirus est considéré comme quelque chose de bénin, et après presque trois ans de pandémie, il y a aussi une forme de banalisation du virus, on s’y est habitué, bien qu’il ait causé plus de 30.000 morts depuis le début de l’année, observe Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale à Genève.

En outre, les autorités n’ont pas fondé l’obligation de porter le masque, ni sa levée, sur des indicateurs sanitaires et des arguments scientifiques précis, poursuit-il. Cela n’a pas été corrélé au taux d’incidence ou des seuils précis sur le degré de circulation virale, au risque d’avoir beaucoup de difficultés à le réinstaurer par la suite si nécessaire. Et on en paie aujourd’hui les conséquences : les gens ne voient pas pourquoi on a enlevé les masques ni pourquoi il faudrait le remettre, puisque cela ne leur a jamais clairement été explicité. »

Une « météo Covid » pour améliorer la pédagogie et l’adhésion

Alors, comment améliorer la pédagogie et l’adhésion du grand public au masque ? « En expliquant de manière simple, claire et directe la situation, estime le Dr Jérôme Marty, médecin généraliste et président de l’Union française pour une médecine libre (UFML) .

En pratique, ce pourrait être sous la forme d’une « météo Covid », avec chaque jour un bulletin, avec des couleurs pour illustrer le degré de circulation virale, comme pour le temps du lendemain avec les températures et la pluie. Sauf que là, quand la météo Covid passerait à l’orange ou au rouge, cela signifierait qu’il faut remettre le masque. »

Une proposition saluée par Antoine Flahault. « L’image de la météo est très parlante ! On comprend très bien quand de la pluie est annoncée qu’il faut prendre un parapluie. Une météo Covid permettrait de gérer le risque de manière plus informée et avisée. » Une pédagogie à compléter par des indicateurs précis. « A un moment donné, il serait temps de calquer ce type de mesures sur des chiffres, une base scientifique », insiste le Dr Marty. « C’est vrai que s’il y avait des règles indiquant qu’à partir de certains seuils, on réinstaure certaines mesures barrières, ce serait plus clair pour le public », renchérit Antoine Flahault.

En attendant, « il faut marteler les trois situations dans lesquelles il faut prendre le réflexe de porter le masque, ajoute l’épidémiologiste. Quand on a des symptômes, on le met, d’autant que cela limite la transmission de tous les virus respiratoires, comme on n’a pu le voir à l’hiver 2021-2021, où le strict respect des gestes barrières avec port du masque obligatoire a éteint les autres épidémies hivernales.

Ensuite, dans les transports publics, tout le temps. Et quand les chiffres s’emballent, dans les lieux clos qui reçoivent du public et qui sont mal ventilés : les salles de réunion, les bureaux partagés, les salles de classe ou encore les amphithéâtres, en raison du manque d’investissement pour y améliorer la qualité de l’air intérieur ». Et « rappeler que l’on porte le masque pour protéger les autres, et que si tout le monde le porte, les autres nous protègent en retour », souligne le Dr Marty.

« Une responsabilité politique »

Mais en attendant de susciter l’adhésion des Français, faut-il à nouveau rendre le masque obligatoire ? « On est en train d’y penser, non pas d’y penser, mais de calculer quels seraient les bénéfices d’un port du masque obligatoire par rapport à un port du masque recommandé », a expliqué jeudi le Pr Brigitte Autran, présidente du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), l’organisme qui a succédé au Conseil scientifique.

Une possibilité envisagée par le gouvernement. Le ministère de la Santé « ne s’interdit pas » une telle mesure, a déclaré mardi le ministre François Braun, assurant néanmoins « faire confiance aux Français » pour prendre par eux-mêmes des mesures de protection.

« On est aujourd’hui dans une situation où les experts donnent l’alerte, signalent que la simple recommandation n’est pas suivie et qu’il faudrait peut-être passer à un stade plus réglementaire pour enfin arriver à freiner les hospitalisations, décès et Covid longs, observe Antoine Flahault.

Mais rendre le port du masque obligatoire relève d’une responsabilité politique. Et avec la fin en août dernier de l’état d’urgence sanitaire dans le cadre duquel cette obligation avait été mise en place, le gouvernement n’a plus d’instrument légal pour le faire, développe l’épidémiologiste. Il faudrait certainement soumettre cette mesure au Parlement. »

Anissa Boumediene
20 Minutes