Huit mois après le putsch qui avait déposé le président Roch Marc Christian Kaboré, en janvier, le Burkina Faso connaît un nouveau coup d’Etat. Le 30 septembre, des unités de l’armée se sont soulevées contre le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Celui-ci a finalement accepté le 2 octobre de démissionner avant de s’exiler au Togo. Il a depuis été remplacé par Ibrahim Traoré, un capitaine de 34 ans.
Ce dernier reproche notamment au colonel Damiba son incapacité à endiguer le terrorisme, priorité que s’étaient fixée les militaires en janvier alors que le Burkina Faso a perdu en quelques années le contrôle de 40 % de son territoire.
Dans l’Est, les attaques djihadistes empêchent les agriculteurs de se rendre sur leurs parcelles, les forçant à fuir en ville, où les ressources alimentaires sont limitées.
- Entre 2015 et fin 2021, les attaques djihadistes ont fait plus de 2 000 morts
- Près de 3 300 écoles ont fermé à cause des violences
- 2,6 millions de Burkinabés nécessiteront une aide alimentaire d’urgence en 2022 (plus d’un habitant sur dix)
Sources : H. Théry et D. Dory, « Solhan : cartographier le terrorisme et la dynamique territoriale d’une insurrection », Mappemonde (en ligne, 2021) ; International Crisis Group, « Burkina Faso : sortir de la spirale des violences » (2020) ; FAO ; Acled ; OCHA
Frontalier du Mali et exposé à l’instabilité de la région sahélienne, ce pays enclavé de plus de 20 millions d’habitants subit depuis fin 2015 des attaques terroristes répétées. Depuis le premier attentat revendiqué, à Samorogouan, le 9 octobre 2015, les violences djihadistes ont fait plus de 2 000 morts, dont environ 500 membres des forces de défense et de sécurité, et forcé près de 2 millions de personnes à fuir leur foyer.
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Les djihadistes se sont enracinés dans des régions où des tensions préexistaient entre agriculteurs et éleveurs pour l’accès aux ressources. Les groupes d’autodéfense villageois, créés pour pallier la carence de l’Etat face à l’insécurité, ont exacerbé les violences intercommunautaires.
Près de 4 200 écoles et 200 infrastructures médicales ont été totalement fermées en raison de l’insécurité, restreignant l’accès des habitants à l’éducation et aux soins de santé. Les violences, et les déplacements internes qu’elles provoquent, limitent aussi la production agricole, dans un pays où plus de 80 % de la population dépend fortement de l’agriculture pour assurer sa sécurité alimentaire : selon les Nations unies, 3,5 millions de Burkinabés, soit plus d’un sur dix, ont besoin d’une assistance alimentaire.
Une situation particulièrement alarmante dans les zones sous blocus djihadiste. Dernier exemple en date : le 26 septembre, un convoi de marchandises, escorté par l’armée et destiné à ravitailler la ville de Djibo, a été attaqué à Gaskindé : au moins onze militaires ont été tués et plus de cinquante civils portés disparus.
Une décennie d’instabilité
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui avait suspendu en janvier le Burkina, avant de trouver un consensus avec les autorités en échange de la promesse d’un retour à l’ordre constitutionnel d’ici juillet 2024, a annoncé l’envoi d’une mission sur place.
Ce nouveau coup de force intervient dans un contexte d’exacerbation du sentiment antifrançais au Sahel. L’ambassade et l’Institut français de Ouagadougou, ainsi que celui de la deuxième ville du pays, Bobo-Dioulasso, ont été pris pour cibles samedi et dimanche par des manifestants, dont certains ont réclamé un rapprochement avec la Russie.