Retrait du Niger : la France a misé sur le droit international… elle a perdu

Des soldats français à Niamey PHOTO DE ALAIN JOCARD. AFP

À Niamey, la foule a crié sa joie en apprenant de la bouche d’Emmanuel Macron le départ, immédiat, de l’ambassadeur Sylvain Itté et, d’ici la fin de l’année, des 1 500 soldats français stationnés sur la base aérienne 101 de la capitale nigérienne.

Une joie qui était du moins le fait de cette masse, assez jeune et très remontée contre le néocolonialisme, qui soutient les militaires putschistes regroupés au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) après les avoir autrefois considérés comme les piliers d’un système oppressif.

En France même, certains médias connus pour la vigueur jamais démentie de leur militantisme anti-français en Afrique, ont pareillement fêté le fiasco du bras de fer que l’Élysée avait choisi de mener avec les galonnés après le coup d’État du 26 juillet dernier.

Il aura duré deux mois, au cours desquels Paris n’a enregistré que des déconvenues et quelques trahisons des chers alliés censés partager les hauts et les bas de la lutte contre le terrorisme djihadiste au Sahel.

Quand les Américains reprochent à la France son « intransigeance »

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La plus spectaculaire, sinon la plus prévisible, restera celle des Américains qui se sont vite empressés de se démarquer de la supposée « intransigeance » française, de façon à préserver l’usage de leur propre base accueillant quantité de drones et un petit contingent de quelques centaines de soldats.

Pour le bien commun, il va de soi… L’Élysée, il est vrai, aurait pu rapidement identifier le ver dans le fruit en l’occurrence les divisions au sein de la CEDEAO et le choix de la diplomatie américaine d’appuyer les « modérés », hostiles à l’idée d’une intervention armée contre les putschistes, au détriment des « durs » (Côte d’Ivoire, Sénégal…) eux-mêmes à peine convaincus de la possibilité, matérielle autant que politique, d’une telle intervention.

À l’analyse pragmatique de ces rapports de force, la France a préféré l’affirmation têtue du droit international. Primo : un putschiste est un putschiste, quelles que soient les idées et valeurs dont il se réclame très soudainement et opportunément, ici le souverainisme africain et l’anticolonialisme, ciblé presque uniquement sur Paris. Secundo : un président élu – quand bien même son élection ne fut pas un modèle d’absolue transparence et de probité ( sans être pour autant la plus scandaleuse de la région ) – est un président élu.

On ne reconnaît ainsi que Mohamed Bazoum et lui seul peut faire ou défaire la légitimité du représentant de la France dans le pays. Tertio : on ne peut tout à la fois maudire la France pour des décennies d’ingérence en Afrique et en même temps lui reprocher de refuser d’entériner un coup d’État.

Hélas si, car en même qu’il condamne les capitaines maliens, burkinabés et les généraux nigériens, Paris valide à N’Djamena une sorte de pronunciamento institutionnel portant au pouvoir Mahamat Idriss Déby, après le décès de son père Idriss Déby, tué au front en avril 2021.

« Divorce in progress »

Pour de bonnes raisons sécuritaires ? De larges pans des populations africaines, aussi diverses soient-elles, ne les comprennent plus et s’enivrent du vent de liberté, de dignité et d’espoir de changement que feraient souffler les Goïta, Traoré et autres Tchiani. 

Bref pour l’instant et peut-être durablement le « en même temps » de la France ne passe plus, au Sahel aujourd’hui, peut-être demain dans toute l’Afrique francophone. Malgré l’échec de sa politique en Afrique, Emmanuel Macron ne mésestimerait pas ce « divorce in progress » nécessitant quelques gestes pour apaiser les trop fortes tensions et qui sait, préparer des lendemains moins sombres. 

Rapatrier les 1 500 militaires de Niamey en France plutôt que de les reverser au dispositif Barkhane au Tchad en serait un. On saura d’ici quelques semaines qui des militaires (pas tous) décidés à conserver un « navire amiral » digne de ce nom ou des diplomates (pas tous…) plaidant une franche rupture avec le passé, l’emportera.