Pourquoi l’or noir du pétrole ne peut plus sauver le Nigéria

2023, Le monde qui vient (46/56). L’économie nigériane s’enfonce dans la crise, la croissance s’annonce poussive, alors Les Nigérians doivent désigner le 25 février le successeur du président Muhammadu Buhari. 

Le sort de l’Afrique subsaharienne est lié à celui du Nigeria. Un Sud-Saharien sur six est nigérian, et l’économie nigériane est la plus importante du continent. Un Nigeria prospère tire ses voisins vers le haut; s’il trébuche, il les entraîne dans sa chute. Il est donc problématique de constater que de 2015 à 2020 la croissance économique a été si lente que les Nigérians ordinaires se sont appauvris en termes réels.

Une partie du problème provient de la baisse du prix des matières premières en 2015. Mais l’essentiel des dégâts a été auto-infligé. En 2019, le gouvernement a fermé les frontières terrestres à la totalité des marchandises, officiellement pour empêcher les contrebandiers de concurrencer les producteurs locaux.

Il s’en est suivi une hausse de l’inflation. Les efforts déployés pour soutenir le taux de change a rendu difficile pour les entreprises d’importer des composants de base. La banque centrale dût dévaluer le naira à de multiples reprises. Et puis est arrivée la pandémie.

Post-rebond pandémique

Dans ces ténèbres, quelques lueurs d’espoir: en 2021 et 2022, la croissance a légèrement accéléré, boostée par le rebond post-pandémique et un prix du pétrole en hausse. Les start-up florissent à Lagos, la capitale commerciale. Nollywood, le rival d’Hollywood, produit environ 2.500 films par an, ce qui en fait en volume la deuxième industrie cinématographique mondiale.

Pourtant les stars économiques sont trop peu nombreuses et trop concentrées à Lagos pour tirer vers le haut la majorité des 220 millions d’habitants du pays.

Des candidats à la présidentielle corrompus

Susciter un boom de plus grande ampleur exigerait de sérieuses réformes économiques. L’élection présidentielle de février devrait voir la fin de la présidence faillie de Muhammadu Buhari, mais les autres candidats sont tous issus de la même clique d’élites kleptocratiques.

Et les deux principaux partis promeuvent les mêmes politiques « étatiques, protectionnistes et souvent contre-productives », met en garde Matthew Page, du cercle de réflexion Chatham House.

L’insécurité généralisée entrave également la croissance. Dans le nord-est, le groupe djihadiste Etat islamique en Afrique de l’Ouest a progressé en direction de la capitale, Abuja. Dans le nord-ouest, les milices ciblent les civils pour les kidnapper ou leur extorquer de l’argent.

Argent facile

Des questions économiques plus terre-à-terre n’augurent également rien de bon. L’inflation a frôlé les 20% en juillet, un record depuis dix-sept ans. La réduire exigera des hausses d’impôts et un refroidissement de l’économie.

Le service de la dette est lui aussi préoccupant du fait que le gouvernement ne collecte que très peu de recettes fiscales. Même un boom prolongé des prix du pétrole pourrait ne pas constituer une bonne nouvelle. Bénéfique pour la balance des comptes courants et la croissance, il rognerait le portefeuille des consommateurs.

Plus gros producteur africain de pétrole, le Nigéria subventionne le carburant. Mais le coût de cette mesure est supérieur au supplément de recettes généré par les prix élevés du brut – l’effet net est « nul ou négatif », selon le ministre des Finances.

Tout cela pourrait amener le gouvernement à supprimer les subventions, libérant ainsi des ressources pour des secteurs ayant une meilleure chance de booster la croissance, comme les infrastructures et l’éducation.

Sur le long terme, l’importance déclinante du pétrole pourrait pousser le Nigeria à s’éloigner de son modèle actuel, dans lequel les élites se disputent le gâteau de l’or noir tout en ignorant leurs concitoyens. Sans l’argent facile du pétrole, elles devront développer le reste de l’économie. Hélas, il est plus probable que l’année 2023 soit marquée par une croissance poussive ponctuée de violences dévastatrices.

Challenges