Emmanuel Macron, la « nouvelle » ancienne « nouvelle politique africaine »

Au nord, peu de nouveau : avec sa traditionnelle autosatisfaction mais une humilité plus inattendue, le président français a exposé la stratégie future de la France envers le continent africain. Politique remaniée sans être inédite.

À l’heure des bilans, Emmanuel Macron invoquera certainement une succession d’empêchements, ses réformes contrariées par de jaunes gilets, par une pandémie inopinée ou par un « tsar » belliqueux.

Quoi de plus classique, ses prédécesseurs étant légitimes à évoquer, eux, tel attentat ou tels subprimes ? Sur le terrain africain, le héraut de la « start-up nation » se sera rêvé labrador dans un jeu de quilles, surplombant les dirigeants ankylosés pour s’adresser directement à la jeunesse du continent, hôte ouagalais ou convive montpelliérain.

Chantre de la rupture par la jouvence en costume-cravate, le Macron réélu connaîtra plutôt une disjonction d’avec une jeunesse en tee-shirt élimé et treillis. Avec toute la réserve que mérite l’emploi des mots « jeunesse », « peuple » ou « opinion » dans des pays aux sondages embryonnaires. Et avec les nuances géographiques qui s’imposent, la zone malo-burkinabè n’étant pas le Sahel et le Sahel ne résumant pas l’Afrique.

Ce lundi 27 février, avant une tournée au Gabon, en Angola, au Congo et en RDC, le président français présentait les orientations actualisées d’une politique africaine dont le caractère original réside essentiellement dans l’invocation d’une « profonde humilité », trait de caractère qui n’est guère sa marque de fabrique habituelle. Pour le reste, Macron a fait du Macron, entre « cash » et trompe-l’œil.

Côté « cash », droit dans ses chaussures Weston Richelieu, le chef de l’État a revendiqué le bousculement des tabous, mettant en bouche les mots qui râpent la langue de bois : « Wagner » qui ne sèmerait « que le malheur », « la Françafrique » qui ne lui inspirerait aucune nostalgie ou encore le concept de « pré-carré » français qu’il juge anachronique.

Sur le terrain du trompe-l’œil, Emmanuel Macron enfonce les mêmes clous : il change les mots en pensant modifier la réalité, évoquant davantage des « académies militaires » que des « bases » ; il souhaite une multiplication des restitutions d’œuvres d’art incrustées dans une « loi cadre » ;

il met à l’index le « défi démographique » africain à propos duquel ses anciens propos avaient froissé ; presque gaullien a défaut d’être gaulliste, reprenant en miroir les mantras des nouveaux patriotes africains comme « montée en puissance », il évoque l’indépendance à l’égard du franc CFA, avec un discours qui ressemble à la formule « qu’ils la prennent » du général de Gaulle. Et Macron d’enfiler des perles qui ne mangent pas de pain quand on n’y répond pas précisément : défi sécuritaire, consolidation des États, éducation, santé, entrepreneuriat, formation ou encore transition énergétique…

Au final, composant avec une réorientation géographique bien obligée, le chef de l’État ne se trahit-il pas, en appelant « à considérer les partenaires africains comme des partenaires à part entière » ? N’était-ce donc toujours pas le cas ?

 

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.