En Côte d’Ivoire, le parcours du combattant de familles d’enfants autistes

[Image d’illustration] Un enfant autiste écrivant au tableau dans une salle de classe du Centre d’action psychosociale infantile (Campse) d’Abidjan, le 13 avril 2018.
© AFP – SIA KAMBOU
Mais pour beaucoup de familles, l’accès aux soins, à l’éducation et à un accompagnement adapté reste un parcours du combattant. Témoignages.
À 10 ans, le fils de Maryline, enseignante à Bouaké, n’a toujours pas trouvé d’école. Pourtant, c’est un enfant calme, curieux, mais diagnostiqué autiste. « J’ai été affectée et donc il faut trouver une école pour mon enfant. On me dit qu’il va perturber les autres enfants et qu’on ne pouvait pas le mettre avec les autres enfants », déplore-t-elle.
Le diagnostic est tombé à ses trois ans. Mais Maryline avait déjà des doutes bien avant. « L’autisme de mon enfant, je l’ai pressenti, mais je ne savais pas quel nom mettre sur ses difficultés, explique-t-elle. À deux ans, il ne parlait toujours pas, il fuyait du regard, il ne jouait pas avec les autres. Il était toujours dans son coin. Et il ne dormait pas la nuit ».
« Les parents ont peur de l’avenir »
En Côte d’Ivoire, l’accompagnement reste très limité. Les centres spécialisés sont rares, les listes d’attente longues, et les coûts très élevés.
Christelle Yoboué, mère d’un enfant autiste, en témoigne : « Ce sont plusieurs professionnels qui interviennent. Il faut débourser de l’argent. C’est au moins une centaine de milliers de francs CFA juste pour la rééducation. Et il faut aussi payer l’AVS, la personne qui l’accompagne à l’école. Si vous n’avez rien budgétisé, c’est au moins 500 000 francs CFA [762 euros, NDLR] dans le mois. »
L’association Parents au cœur bleu accompagne une centaine de familles. Mais la frustration gagne du terrain. Magouri Licko, sa présidente, s’insurge : « On partait de l’espoir qui fait vivre. Mais cinq ans après, quand les choses ne bougent pas, c’est vraiment le découragement qui gagne. Les enfants grandissent. Et quand on fait le bilan en ce mois d’avril, les parents ont peur de l’avenir. »
« Une décentralisation des services de prise en charge »
Les autorités sanitaires affirment, elles, multiplier les efforts pour améliorer la détection, l’accompagnement et l’inclusion des personnes atteintes de troubles du spectre autistique (TSA).
À la tête de ce chantier se trouve le professeur Koua Asseman Médard, directeur coordonnateur du Programme national de santé mentale. « La prévention par le dépistage passe par la révision du carnet mère-enfant et par l’intégration des indicateurs de repérage précoce, des signes d’alerte de tout problème, d’écart de développement avec focus sur l’autisme. Ça veut dire aujourd’hui que vous partez dans une maternité avec le nouveau mère-enfant, il suffit de lire ce qu’il faut rechercher », assure-t-il.
« La stratégie aujourd’hui, c’est de dépister pour identifier les enfants à risque. On va outiller rapidement les médecins généralistes, les pédiatres à l’effet d’aborder la démarche de diagnostic clinique et pour confirmer qu’effectivement, il s’agit d’un enfant qui est autiste et préparer un projet de rééducation, de réhabilitation », poursuit-il.
Le professeur Koua Asseman Médard conclut : « On a déjà au moins 7 unités de prise en charge orthophonique dans le secteur public. On vient de terminer la soutenance de 17 orthophonistes du secteur public qui seront déployés dans les 10 grandes régions stratégiques du ministère de la Santé. De telle sorte, il y a une décentralisation des services de prise en charge des questions d’autisme. »
Le dépistage précoce reste essentiel. Les signes à surveiller : retard de langage, absence de contact visuel, gestes répétitifs ou hypersensibilité aux bruits.
Abdoul Aziz Diallo