Cameroun: un militant du parti au pouvoir saisit la justice pour demander l’organisation d’un congrès

Le président camerounais, Paul Biya (à dr.), et sa femme, Chantal Biya, votent à Yaoundé, au Cameroun, lors de la présidentielle du 7 octobre 2018.
© AP – Sunday Alamba

Contribuer au changement de l’intérieur. Au Cameroun, c’est ce que dit vouloir faire un militant du Rassemblement démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), le parti majoritaire, formation politique du président Paul Biya, au pouvoir depuis bientôt 43 ans.

Dans la perspective de la présidentielle d’octobre, à laquelle le chef de l’État peut briguer un 8e mandat, le conseiller municipal Léon Theiller Onana, militant du parti depuis 2019, saisit le juge des référés, c’est-à-dire la justice administrative. Il demande la désignation d’un mandataire chargé d’organiser un nouveau congrès du parti.
Selon les statuts du parti au pouvoir, le congrès du Rassemblement démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) doit se tenir tous les cinq ans (art. 18). Le Congrès élit le président national du parti et les membres du comité central (art. 19). Or, le dernier congrès du RDPC remonte à 2011, c’était il y a 14 ans.

Pour Léon Theiller Onana, 37 ans, conseiller municipal de Monatélé, chef-lieu du département de la Lékié, dans la région du Centre et militant RDPC depuis 2019, le mandat de ses dirigeants est donc expiré. Il a donc saisi le 25 mars 2025 le juge des référés pour la désignation d’un mandataire ad hoc.

« Notre parti n’a pas à sa tête un président national qui peut également être candidat à l’élection présidentielle. Et le comité central qui est là est un comité qui usurpe tout simplement le poste. J’appartiens à une génération qui ne souhaiterait plus que les choses soient comme ça, estime-t-il.

Quand je demande à ce qu’il y ait un Congrès, c’est tout simplement pour redéfinir certaines orientations. On ne peut pas être dans un parti où tout est figé autour d’un individu. La preuve : le pagne du RDPC est à l’effigie du président Paul Biya. (…) Je peux comprendre que les aînés qui sont partis de l’UNC pour le RDPC n’ont pas pu réactualiser leur logiciel mental, mais il est temps qu’ils prennent en compte les aspirations d’une nouvelle génération. (…) On n’a pas besoin d’avoir vingt ans au sein du RDPC pour apporter des réformes. »

Pour la direction du parti RDPC, le militant fait une mauvaise interprétation des textes, puisque le bureau politique peut prolonger les délais selon l’article 18. Or, « en lieu et place du congrès qui aurait dû se tenir en 2016, un bureau politique s’est réuni à la présidence de la République. Selon son communiqué, une des résolutions de ce bureau politique stipulait que les organes dirigeants du RDPC étaient prorogés jusqu’à la tenue du prochain Congrès », explique le communicant du RPDC, Patrick Rifoe.

« C’est un général sans troupes »

Pour lui, la démarche de Léon Theiller Onana n’a aucune chance d’aboutir. « Il n’a pas épuisé les voies de recours internes avant de saisir le tribunal, donc, je pense que le tribunal va le renvoyer aux procédures du parti. (…) C’est la démarche d’un loup solitaire. (…) Ça ressemble davantage à un suicide politique qu’autre chose, poursuit Patrick Rifoe.

Au Cameroun, le champ politique est tel que vous avez besoin d’un appareil pour faire carrière. (…) Quand sa procédure va faire pschitt, il y aura très peu de gens pour l’accompagner. Je doute qu’il puisse être bien accueilli dans une autre formation politique s’il venait à être exclu du Rassemblement démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Ce qui n’est pas à exclure. (…) Les jeunes au sein du RDPC ne sont pas des impatients. Lui, semble être un impatient. (…) C’est un général sans troupes, et donc il ne constitue pas une menace pour qui que ce soit. »

Léon Theiller Onana dit toutefois avoir reçu de nombreux messages de soutien de la part de militants au sein du RDPC. Des intimidations, aussi. « On va vous dire que vous allez finir comme Martinez (Zogo). (…) L’objectif ce n’est pas de créer un autre parti politique, c’est de susciter le changement de l’intérieur. (…) Je milite pour un rajeunissement à la tête de notre parti, à la tête de notre pays (…) Chaque génération a sa mission à accomplir ou à trahir. Nous voulons donner un autre visage au parti et au Cameroun. (…) »

Son conseil juridique et celui du parti de Paul Biya ont rendez-vous ce jeudi 17 avril 2025 devant le tribunal administratif à Yaoundé.

Article de RFI