L’immunothérapie : nouvel espoir contre le cancer

L’immunothérapie nouvel espoir contre le cancer

L’immunothérapie, un traitement utilisé depuis quelques années, a révolutionné la prise en charge en oncologie. Explications en six points. Elle permet de stimuler le système immunitaire …

Elle permet de stimuler le système immunitaire

Jusque-là, les stratégies de lutte contre le cancer (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, thérapies ciblées) s’attaquaient directement aux cellules cancéreuses pour les supprimer. L’approche de l’immunothérapie diffère, puisqu’elle consiste à utiliser les défenses naturelles du patient, à mobiliser son système immunitaire, afin qu’il reconnaisse les cellules cancéreuses et les détruise.

« En effet, contrairement aux agents infectieux, ces cellules parviennent à échapper aux défenses de l’organisme en déjouant certains points de contrôle du système immunitaire. Elles l’“endorment” en envoyant des messages lui signalant qu’elles sont des cellules normales et peuvent donc continuer à proliférer en toute impunité », explique le Pr Christophe Le Tourneau, chef du département d’essais cliniques précoces (D3i) de l’Institut Curie.

Le principe de l’immunothérapie est de « réveiller » le système immunitaire pour qu’il puisse mieux se défendre face au cancer.

Elle guérit des cancers jusqu’alors incurables

L’immunothérapie a fondamentalement amélioré la survie de patients atteints de cancers déjà très avancés, en récidive ou dont la tumeur est diffcilement accessible. Des situations pour lesquelles les médecins n’avaient pas toujours de solution thérapeutique à proposer.

C’est le cas des mélanomes (cancer de la peau), des cancers du poumon et du rein. « Chez certaines personnes, l’immunothérapie a permis d’obtenir une rémission complète, même après une durée de traitement assez courte (de un à deux ans) », note le Pr Le Tourneau.

Pour d’autres, les effets se sont concrétisés par une stabilisation durant plusieurs années. Et la liste des cancers pour lesquels ce traitement est effcace s’allonge au fil du temps : cancers ORL, des ovaires, de l’œsophage, lymphomes, etc.

L’un des futurs objectifs serait de le proposer plus précocement et à un plus grand nombre de patients. Aujourd’hui, il concerne environ 5 % des malades souffrant d’un cancer.

Elle ne fonctionne pas dans tous les cas

« L’immunothérapie est effcace pour 40 % des patients atteints d’un mélanome métastatique. Dans le cancer du poumon, on tourne autour de 30 % et, pour le reste des cancers, le pourcentage de réussite va de 10 à 20 % », détaille le Pr Le Tourneau.

Autre bémol, elle entraîne parfois des effets secondaires plus ou moins importants et invalidants (dérèglement de la thyroïde…). Cependant, elle est beaucoup mieux supportée que la chimiothérapie. L’enjeu actuel de la communauté scientifique ?

Déterminer pourquoi toutes les tumeurs ne répondent pas à ces médicaments et pourquoi certains patients rechutent après quelques mois de traitement.

La nature des tumeurs, leur micro-environnement, le rôle du microbiote du patient sont autant de nouvelles pistes explorées. Plus de trois mille essais cliniques en immunothérapie sont en cours dans le monde. De quoi espérer quelques réponses prochainement !

Il existe différents traitements

Selon les principes actifs, les stratégies d’attaque contre les cellules cancéreuses diffèrent. Ainsi, les anticorps monoclonaux se fixent sur un antigène spécifique de la cellule cancéreuse et la signalent au système immunitaire capable de la détruire.

C’est le cas du trastuzumab (Herceptin), qui se fixe spécifiquement sur la protéine HER-2 présente à la surface des cellules tumorales chez 20 à 30 % des patientes atteintes de cancers du sein HER-2+. « Plus récemment se multiplient les anticorps bispécifiques, dotés de deux bras, l’un permettant de se lier spécifiquement à la cellule cancéreuse et l’autre à un lymphocyte T tueur », décrit Nathalie Amzallag, chef de projet en immunothérapie à l’Institut Curie.

Une autre solution consiste à reprogrammer par thérapie génique des cellules immunitaires (les lymphocytes T) du patient pour en faire des cellules appelées CAR-T, qui lui sont réinjectées, une fois capables de reconnaître et de détruire spécifiquement les cellules tumorales.

« Cette technique de thérapie dite cellulaire est employée dans le traitement des tumeurs hématologiques dont certaines leucémies et certains lymphomes », ajoute Nathalie Amzallag.

Contre les allergies et les maladies auto-immunes aussi

Depuis longtemps, l’immunothérapie est utilisée pour lutter contre une réponse immunitaire trop forte. Dans le cadre de la désensibilisation allergique, par exemple : en administrant une dose de plus en plus forte de l’allergène en cause, le système immunitaire apprend à le tolérer.

D’autres approches sont exploitées pour lutter contre les maladies inflammatoires chroniques ou auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques, lupus, etc.) dues à un dérèglement du système immunitaire qui se retourne contre l’organisme. Il s’agit alors de limiter la réaction exagérée du système immunitaire par l’emploi de cytokines (interférons) ou d’anticorps monoclonaux.

Elle ne s’utilise pas (encore) seule

Actuellement, l’immunothérapie est administrée en complément de la chimiothérapie, de la radiothérapie ou des thérapies ciblées.

Des essais en cours évaluent l’intérêt de ces associations. Mais pourrait-elle remplacer les traitements conventionnels ? Les résultats d’une étude américaine sont réjouissants : un traitement (au dostarlimab, un anticorps monoclonal) a, à lui seul, permis de guérir douze patients atteints d’un type de cancer rectal localement avancé, leur évitant chirurgie et radiothérapie.

De six à vingt-cinq mois après l’arrêt de leur thérapie, ils ne présentaient plus aucune trace de tumeur. Ces bénéfices, obtenus sur un petit effectif de patients, devront être reproduits pour être validés.

Elle sert à fabriquer des vaccins thérapeutiques

Activer le système immunitaire contre les tumeurs, c’est le principe de l’immunothérapie, qui peut donner naissance à des vaccins anticancéreux. En effet, les cellules tumorales expriment certains antigènes à leur surface, absents sur les cellules normales.

On vaccinerait donc les malades contre ces antigènes. Le Graal serait de développer un vaccin thérapeutique contre des antigènes partagés entre plusieurs patients. Mais la tendance s’oriente plutôt vers des vaccins personnalisés, différents pour chaque malade.

Explication du Pr Le Tourneau : « On analyse la tumeur pour en identifier les mutations spécifiques, puis on produit un virus inactivé qui exprime la ou les protéine(s) tumorale(s).

On l’injecte ensuite au patient pour induire la production d’anticorps ciblés contre le virus et donc contre la tumeur. » Plusieurs vaccins thérapeutiques sont à l’essai (contre les cancers du poumon, ORL et ovarien) à l’Institut Curie, et un seul est aujourd’hui commercialisé, le sipu-leucel-T, contre le cancer de la prostate.

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