Haïti. La justice ordonne un procès pour la veuve du président assassiné et 50 autres accusés

L’ancienne première dame Martine Moïse est soupçonné d’avoir participé à l’assassinat de son mari.
© Valerie Baeriswyl / AFP

Une cinquantaine de personnes devrait être jugée pour l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021. Parmi les accusés se trouvent la veuve de l’ancien chef de l’État, ainsi qu’un ancien Premier ministre.

La justice haïtienne a ordonné qu’une cinquantaine de personnes soient jugées pour l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, notamment sa veuve et ex-Première dame Martine Moïse, un ancien Premier ministre et un ex-chef de la police, selon des documents de justice consultés par l’AFP.

Jovenel Moïse a été tué par balle le 7 juillet 2021, dans sa résidence privée, par un commando de plus de 20 personnes, principalement des mercenaires colombiens, sans que ses gardes du corps n’interviennent. Martine Moïse avait été blessée lors de l’attaque.

Cet assassinat avait plongé encore un peu plus dans le chaos ce pays caribéen, qui est aujourd’hui encore sans président à sa tête et où aucune élection n’a eu lieu depuis 2016.

À cette crise politique s’ajoute une crise humanitaire, dans le pays déjà le plus pauvre du continent américain, et une crise sécuritaire, avec des gangs armés qui font la loi dans certaines parties du pays, notamment la capitale Port-au-Prince. Le nombre d’homicides a plus que doublé dans le pays en 2023 par rapport à l’année précédente.

Dans une ordonnance du juge d’instruction chargé du dossier, consultée mardi par l’AFP, ce dernier a demandé le renvoi de Martine Moïse et de 50 autres individus devant un tribunal pénal « pour y être jugés sur les faits d’association de malfaiteurs, de vol à main armée, de terrorisme, d’assassinat et de complicité d’assassinat » contre la personne du président Moïse, mort à 53 ans.

« Contradictions »

« Les charges concordantes et les indices d’implication de l’ex-Première dame (Mme Moïse) dans l’assassinat du président Jovenel Moïse sont suffisants », note ce document de 122 pages daté du 25 janvier, qui précise que « les déclarations de l’ex-Première dame […] sont si entachées de contradictions qu’elles […] la discréditent ».

Elle devra répondre devant la justice de « complicité d’assassinat », tout comme l’ancien Premier ministre par intérim Claude Joseph et l’ancien directeur général de la police nationale Léon Charles.

Le juge d’instruction a également demandé que ces 51 personnes soient écrouées à la prison civile de Port-au-Prince, si elles « ne s’y trouvent déjà ».

L’ordonnance n’identifie pas les cerveaux de l’opération, ni les responsables de son financement.

Dans un courrier daté de lundi et adressé au parquet de Port-au-Prince, l’avocat de Martine Moïse, Emmanuel Janty, affirme que la copie de cette ordonnance partagée sur les réseaux sociaux est « dépourvue des éléments essentiels de légalité et d’authenticité, à savoir la signature du juge instructeur et le sceau de son cabinet ».

Mais dans le cas où cette copie ne serait pas « une contrefaçon », l’avocat s’interroge sur la « conduite du procès ».

« Comment la teneur, l’esprit, la lettre et l’apparence d’une telle œuvre si monumentale pour toute une nation, de par son importance et le secret dont elle devrait se revêtir, puissent être mis en circulation sur les réseaux sociaux avant même sa version officielle ? », se demande Emmanuel Janty.

L’assassinat de Jovenel Moïse a déjà donné lieu à des poursuites aux États-Unis, au motif que le complot avait été ourdi sur son territoire en Floride. Onze personnes sont ainsi soupçonnées par la justice américaine d’être mêlées à l’assassinat.

Quatre personnes ont été condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité, la dernière en date étant Joseph Vincent, un Américano-Haïtien de 58 ans condamné le 9 février. Il avait plaidé coupable en décembre.

Les autres condamnés à la prison à vie aux États-Unis sont un ancien sénateur haïtien, Joseph Joël John, un homme d’affaires de nationalités haïtienne et chilienne, Rodolphe Jaar, et un militaire colombien à la retraite, German Rivera.