Israël, Netanyahou, Macron et l’ONU : « Un pays entendu au sens d’État n’est ni un cadeau ni un don »

« L’État hébreu existe parce que son peuple s’est battu pour le rétablir sur la terre de ses ancêtres. Il doit sa légitimité au droit à l’autodétermination de ce même peuple hébreu. »
© TIMOTHY A. CLARY/AFP

Le président Macron aura le mérite d’avoir tué l’École nationale d’administration (ENA) deux fois. La première fois, il le fit en la remplaçant par l’Institut national du service public. La seconde fois, il tua l’ENA en enterrant, définitivement, le mythe de la culture et de la compétence de ses diplômés. Il y a quelques jours, le président aurait, selon des propos rapportés, affirmé que les Israéliens devraient davantage respecter l’Organisation des Nations Unies puisque c’est grâce à elle qu’ils ont un pays.

Aux peuples seuls appartient l’autodétermination

D’abord, il faudrait rappeler certaines bases non seulement en philosophie politique, mais également en droit international que semble ignorer le président Macron. Un pays entendu au sens juridique d’un État n’est ni un cadeau ni un don. On ne distribue pas les États aux gentils et on ne les refuse pas aux méchants. Un État indépendant est la réalisation du droit naturel des peuples ou des nations. Seuls les peuples ou les nations, parmi toutes les formes de communauté, détiennent le droit imprescriptible – c’est-à-dire un droit qui ne peut ni disparaître ou être supprimé – à l’autodétermination.

Il aurait suffi que le président Macron lise ou comprenne le premier article de la Charte des Nations Unies pour s’apercevoir que celle-ci cherche à « développer entre les nations des relations amicales ». Il aurait suffi qu’il lise ce texte si cher aux Nations Unies pour également apprendre que c’est aux peuples qu’appartient, et uniquement aux peuples, le droit sacré à l’autodétermination. Les États ne sont que les instruments des fins ultimes que sont ces communautés humaines.

Un lecteur avisé de ce document fondateur des Nations Unies aurait peut-être compris que les nations et les peuples diffèrent donc des États ou des pays. Un peuple ou une nation est une forme de communauté prépolitique, peu importe ce que pense le président Macron. Et le droit à l’autodétermination est le droit qui permet à ces peuples, à ces nations, occupés et souvent colonisés de revendiquer un état bien à eux. Ainsi, le Front de libération nationale (FLN) en Algérie n’était pas une association fondée afin de créer, éventuellement, une nation qui pourrait être libérée. Il s’agissait d’une organisation qui cherchait à libérer une nation existante qui ne disposait pas d’un État propre.

Les Hébreux disposent du même droit imprescriptible

On notera également que ce droit est un droit naturel. Nul organisme, nul appareil, nulle personne n’accorde ou ne donne ce droit. Il ne résulte d’aucun choix ou geste humain. Le droit à l’autodétermination est un droit inhérent au statut d’une communauté. Tout peuple, toute nation, en tant que tel, dispose de ce droit imprescriptible. Ce droit est l’équivalent collectif des droits de l’homme qui ne sont ni donnés ni gagnés ; ils découlent du simple fait d’être un humain.

Par conséquent, le droit à l’autodétermination du peuple hébreu n’est ni un cadeau ni un don de la part de l’Organisation des Nations Unies. En tant que peuple, en tant que nation, les Hébreux disposent du même droit imprescriptible dont disposaient les Algériens ou les Indiens lorsqu’ils exigèrent d’être pleinement maîtres de leur sort. Dit autrement, le droit fondamental qui rend l’existence d’un État hébreu légitime est un droit naturel. Les choix ou les actes de l’Organisation des Nations Unies n’y sont pour rien.

Il est tout aussi niais d’affirmer que l’Organisation des Nations Unies, par quelconque mandat, pouvait légitimer l’existence d’un État hébreu. Ou si un peuple hébreu existe ou non. Si oui, alors son droit est naturel et une quelconque institution comme les Nations Unies n’y contribuent en rien. Sinon, alors les Nations Unies n’ont pas le pouvoir de créer un peuple ou une nation. Soit le peuple hébreu existe et la volonté des Nations Unies est superflue, soit le peuple hébreu n’existe pas et la volonté de cette organisation est sans effet.

Une maladresse

Délaissons la fondation normative de l’État hébreu afin de nous concentrer sur ce que Machiavel appelait « la réalité effective ». On dit souvent que la reconnaissance d’un État ou d’un pays dépend de la reconnaissance internationale. Il s’agit d’un mirage. Est reconnu celui qui contrôle effectivement un territoire. Ainsi, la République populaire de Chine ne devient pas un pays parce que les autres États l’acceptent, mais les autres pays l’acceptent en raison de son contrôle effectif du territoire continental et de l’impuissance du Kuomintang.

Or, au Proche-Orient, le contrôle réel du territoire est le résultat d’une lutte armée. Le peuple hébreu dut se battre pour revenir sur sa terre ancestrale et résister aux agressions de la Ligue arabe. Sans leur victoire militaire, les Hébreux seraient toujours un peuple en exil. Les déclarations des Nations Unies ou de quelconques paroles ou bouts de papier n’auraient pu remplacer le contrôle effectif du territoire. L’État hébreu existe parce que son peuple s’est battu pour le rétablir sur la terre de ses ancêtres. Il doit sa légitimité au droit à l’autodétermination de ce même peuple hébreu.

Finalement, il est utile de rappeler au président Macron qu’il est imprudent d’insulter un pays en lui suggérant qu’il doit son existence à d’autres. Bien des citoyens des États-Unis d’Amérique se targuent d’avoir sauvé la France. Selon eux, la France doit sa libération et sa survie à d’autres peuples et d’autres États. Au risque de verser excessivement dans la litote, la France n’a pas été libérée que par ses propres fils. Et si nous reprenons la leçon que le président Macron voulait donner au Premier ministre Netanyahou, on peut se demander si la France doit faire preuve de déférence vis-à-vis des États-Unis d’Amérique ou du Royaume-Uni. Un diplomate averti aurait évité une maladresse aussi crasse.

En fin de compte, le président Macron avait bien raison d’abolir l’École nationale d’administration. Même ses diplômés les plus distingués se révèlent de piètres penseurs et de pires diplomates.

Article de Renaud-Philippe Garner

Marianne